EDITORIAL N°10 - NOVEMBRE 2015
Chers internautes,
Le congrès de la Société Française de Transfusion Sanguine de Montpellier est déjà derrière nous et j’aimerais revenir sur les sessions de formation qui s’y sont déroulées. Quand nous réalisons que l’erreur médicale est la 3ème cause de décès aux USA, nous ne pouvons pas ne pas nous interroger sur l’efficacité de notre matériel pédagogique en médecine.
Que vous soyez concernés par le développement professionnel continu (DPC) ou comme moi simplement avides de découvertes en matière pédagogique, vous avez sans doute aimé les sessions DPC et, particulièrement, le symposium sur le renouveau de la simulation en matière de formation. Ce qui séduit dans cet outil pédagogique, c’est l’approche pluri-professionnelle de la simulation, permettant complémentarité et synergie dans le travail en équipe et la mutualisation des outils et des connaissances.
Une présentation a porté sur la technique T.C.S. (1) (Test Concordance Script). Vous pourrez retrouver sa description sur le site de la Haute Autorité de Santé (HAS). La fiche T.C.S. de mai 2014, complétant la fiche « Méthodes et modalités de DPC », est particulièrement intéressante, car la mise en situation par une vignette clinique nous posant des questions pratiques auxquelles nous devons répondre rapidement, évalue la concordance entre nos connaissances théoriques et notre aptitude à mobiliser ces connaissances en situation médicale. Ceux qui ont préparé l’internat verront peut-être mieux l’intérêt des tiroirs appris par coeur et se connectant donc plus rapidement en situation. Les connaissances techniques et scientifiques parfaites sont effectivement la base de notre efficience. Elles concourent, avec le management d’équipe, à la qualité de vie au travail et à la hardiesse (être à l’aise dans nos fonctions).
Ces techniques de formation très interactives nous pousseront à parfaire nos connaissances car il ne nous est pas permis de prescrire un examen inutile ou délétère en vue de poser un diagnostic ou de prescrire un traitement inapproprié à l’état d’un patient.
Ce congrès très riche nous a également nourri des avancées technologiques tant au niveau de l’efficience de la collecte aidée par la géomatique (2) que des espoirs de l’immunothérapie en onco-hématologie (3) et de la production de globules rouges et de plaquettes par culture de cellules souches hématopoïétiques (4 et 5).
Ce cru 2015 a, de nouveau, soulevé l’éternelle réflexion sur « Blood transfusion or not Blood transfusion » (6). Il a aussi abordé le suivi d’un programme passionnant présenté par Gilles Folléa le « Patient Blood Management Européen » et la relation entre les pressions économiques et notre pratique transfusionnelle. Quid de note liberté de prescrire sans tenir compte d’une éthique sociétale, éthique de justice ? Nous avons découvert les « QALY ».
Le QALY (acronyme de « Quality Adjusted Life Year ») est une unité de mesure qui correspond au nombre d’années de vie supplémentaires en bonne santé liées à un traitement. Il s’agit d’un indicateur économique visant à prendre en compte la qualité (la valeur) de la vie humaine. Les spécialistes en économie de la santé évoquent aussi, dans ce domaine, le concept voisin d'« espérance de vie corrigée de l’incapacité ». Le coût moyen d’un QALY (une année de vie supplémentaire en bonne santé par an) est, en France, de 50K€ contre 35K€ en Grande Bretagne. La valeur consacrée à la qualité de vie est en fait, fonction du produit intérieur brut (PIB) ! (7)
Plutôt que de commenter toutes les passionnantes sessions de ce congrès, je vous invite à vous abonner à la revue « Transfusion Clinique et Biologique » pour retrouver la réflexion offerte par la lecture de ces articles.
Je ne voudrais néanmoins pas terminer cet éditorial sans essayer de partager ma satisfaction devant la constatation d’une réflexion globalement plus éthique dans l’analyse des tensions qui ne peuvent que perdurer dans notre discipline et ceci dans tous les domaines : gestion des risques, autonomie d’approvisionnement, indications transfusionnelles,…. Je ne peux que louer les propos de Monsieur François TOUJAS, Président de l’Etablissement Français du Sang, rappelant énergiquement les valeurs inaltérables de la transfusion sanguine : bénévolat, volontariat, anonymat et non profit, valeurs s’imposant à tous face aux lois du marché. Que soient également entendus ses propos sur la nécessaire ouverture du monde de la transfusion, certes au monde médical, mais aussi à la société civile (tenant compte de l’économie, de la démographie, de la sociologie), mettant l’efficience au coeur de l’éthique dans le contrat d’objectifs et de performances (COP) avec l’Etat pour la période 2015-2018.
A l’heure où la collecte de produits sanguins labiles s’ouvre à certaines personnes qui en étaient exclues, décision basée sur la qualité de l’information et de la responsabilisation du donneur, il nous apparaît capital que ce changement de pratique ne soit pas guidé seulement par l’économie et l’autosuffisance et qu’une réflexion permanente ainsi qu’une évaluation régulière sur les indications de transfusion de produits sanguins labiles s’ouvrent, certes aux associations de donneurs, mais également aux associations de patients.
Les tensions de la réflexion éthique orienteront alors au mieux notre difficile « politique » transfusionnelle qui ne peut se satisfaire de la réflexion des hommes de sciences « dures » sans s’ouvrir aux sciences dites « humaines ».
(1) Les tests de concordance de script, une méthode d’évaluation des connaissances et des compétences. J. Y. Py, Orléans
(2) La géomatique au service de la collecte de sang. B. Danic, Rennes
(3) Nouvelles approches d’immunothérapie en onco-hématologie. M. Kromer et col, Besançon
(4) Production de plaquettes ex-vivo dans une plateforme micro fluide. D. Baruch, Paris
(5) Production in vitro de globules rouges à partir de cellules souches : les enjeux. L. Douay, Paris
(6) Quel est le plus grand danger : l’anémie ou la transfusion sanguine ? J.L. Vincent, Bruxelles
(7) Conséquences de la pression économique sur les pratiques médicales. I. Durand-Zaleski, Paris.
Dominique JAULMES