EDITORIAL N°05 - 2014
Le 8 avril dernier, à l’INTS, lors de la réunion de printemps de la SFTS, une demi-journée a été consacrée à l’hépatite E. Dans la revue de presse, vous est proposé un article signé d’une équipe allemande sur cette hépatite*.
Les difficultés posées par le dépistage éventuel chez le donneur, même en y consacrant de gros moyens financiers, la valeur et la signification d’un résultat positif amènent à s’interroger sur l’intérêt de sa mise en route. L’hépatite E est, dans certains cas, responsable d’atteintes graves mais ce virus demeure actuellement sensible à un antiviral, la ribavirine, médicament ni trop toxique, ni trop coûteux.
Cela ne rappelle-t-il pas le problème du paludisme ? Le dépistage de ce parasite chez le donneur est un vrai casse-tête : éviction très longue après le retour de pays endémique, résultats des dépistages « pollués » par les faux négatifs et les faux positifs … Le paludisme reste un problème de santé publique mondial et un fléau pour certaines populations du globe. Il peut se révéler par une maladie grave (accès pernicieux de la primo-infestation par Plasmoduim falciparum notamment) mais, là encore, une thérapeutique efficace est disponible malgré l’apparition de résistances.
N’auriez-vous pas envie de donner de sages conseils aux prescripteurs ? Dans un cas comme dans l’autre, conserver son sens clinique, penser à ces pathologies devant leur présentation clinique respective, chez tout patient transfusé, dépister les marqueurs chez le receveur et traiter, y compris par défaut ? Si des médecins hémobiologistes exercent encore un conseil transfusionnel, ces derniers peuvent bien entendu aider leurs collègues… Cette réflexion collégiale fait partie de la coordination des soins encouragée par le pacte de solidarité de Marisole Touraine, Ministre des Affaires sociales et de la Santé.
N’oublions pas non plus de nous poser la question sur l’opportunité de transfuser. Eviter la transfusion quand des thérapeutiques ciblées sont disponibles: facteurs de croissance de l’érythropoïèse et, bien que plus aléatoire, facteurs de croissance plaquettaires.
N’est-il pas de notre devoir de conserver une réflexion éthique sur le coût des mesures sécuritaires déployées pour la transfusion, sur un plus juste partage de l’enveloppe budgétaire de la santé sur la planète. Je vous invite à lire ou à relire le très bon article de Jean François Delfraissy à propos du « coût phénoménal » des nouveaux traitements de l’Hépatite C **. Je cite : « Nous devons en tant que médecin accompagner le juste prix de la juste prescription »…. « Une réflexion sur une nouvelle coordination des soins incluant les réseaux experts, les médecins spécialistes de ville et les associations de malades doit être rapidement engagée ».
Notre réflexion sur le dépistage de l’hépatite E chez le donneur pourrait peut-être s’inspirer de cette réflexion sur le dépistage et le traitement de l’hépatite C.
* Juhl et al. Seroprevalence and incidence of hepatitis E virus infection in German blood donors. Transfusion 2014;54:49-56.
** Eradiquer l’hépatite C, mais à quel prix ? Jean François Delfraissy. Le Monde : supplément Science et médecine, mercredi 4 juin 2014