Revue de presse 15

Revue de Presse N°15 - 2016

DANS LA PRESSE…

La structure et le fonctionnement des systèmes d’hémovigilance en activité peuvent différer d’un pays à un autre. Cependant, réaliser une comparaison entre les résultats obtenus par les systèmes d’hémovigilance de plusieurs pays apporte des informations intéressantes. En 2010, l’hémovigilance a été mise en place aux Etats Unis. Une étude comparative des résultats obtenus par 17 pays vient d’être publiée (Rogers et al. Haemovigilance of reactions associated with red blood cell transfusion: comparison across 17 countries. Vox Sanguinis 2016;110 :266-277).

Suite à l’introduction d’un système national d’hémovigilance en 2010 aux Etats Unis, les données portant sur les effets indésirables receveur (EIR) liés aux transfusions de concentrés de globules rouges (CGR) ont été analysées et comparées.

La réaction fébrile non hémolytique (RFNH) et les EIR sérologiques retardés représentent les réactions les plus fréquemment observées avec les CGR (26 et 25 patients sur 100 000 CGR transfusés respectivement). Les taux de RFNH varient d’un pays à l’autre et sont, dans certains pays élevés: plus de 100 pour 100 000 CGR aux Pays Bas, en Nouvelle Zélande et aux Etats Unis. Le taux observé aux Etats Unis reste plus haut avec 106,32 pour 100 000 CGR s’il est comparé au taux des autres pays développés obtenu en rassemblant leurs données (22,85 pour 100 000 CGR). Les EIR sérologiques retardés ont des taux hétérogènes avec des taux élevés aux Pays Bas (156,77 pour 100 000 CGR) et en Suisse (189,26 pour 100 000 CGR).

Pour les réactions allergiques, le taux est de 11 pour 100 000 CGR, avec là encore un taux plus important aux Etats Unis (53,61 pour 100 000 CGR) comparé aux taux des autres pays rassemblés (9,7 pour 100 000 CGR).

Les oedèmes aigus du poumon (OAP) de surcharge touchent approximativement 3 patients pour 100 000 CGR transfusés. Des EIR demeurent rares tel le purpura post - transfusionnel (0,08 pour 100 000 CGR transfusés).

Un point intéressant soulevé porte sur la surveillance active comparée à la déclaration « passive » par le système d’hémovigilance. Ainsi aux Etats Unis, la surveillance active augmente la fréquence des EIR détectés. Par exemple, les OAP de surcharge ont un taux de un pour 271 produits avec la surveillance active (368 pour 100 000 produits) versus un pour 10942 produits avec le système déclaratif de l’hémovigilance.

La comparaison entre surveillances active et passive en matière d’EIR est également réalisée dans une étude récente sur les infections bactériennes transmises par transfusion de plaquettes (Hong et al. Detection of septic transfusion reactions to platelet transfusions by active and passive surveillance. Blood 2016;127:496-502). Les résultats présentés soulèvent plusieurs interrogations.

Sur une période de 7 années (2007 – 2013), les surveillances active et passive ont été évaluées par d’un coté, la réalisation de la culture bactériologique d’un aliquot du produit plaquettaire au moment de la transfusion du concentré de plaquettes (surveillance active) et, de l’autre, par la revue des réactions transfusionnelles notifiées (surveillance passive). Tous les concentrés plaquettaires avaient bénéficié d’une culture bactériologique de 24 heures après le prélèvement et avaient été libérés comme négatif. Les auteurs ont également évalués cinq ensembles de critères cliniques portant sur les réactions transfusionnelles septiques dont les critères récents établis par l’American Association of Blood Bank. Sur un total de 51440 concentrés de plaquettes transfusés, 20 présentaient une contamination bactérienne détectée par la surveillance active et cinq réactions transfusionnelles septiques ont été diagnostiquées entre les 9 et 24 heures post-transfusionnelles. La surveillance passive était en défaut pour ces réactions infectieuses puisqu’aucune n’avait été notifiée. Les réactions septiques ont toutes été décrites chez des patients neutropéniques transfusés avec des concentrés plaquettaires dont la charge bactériologique était élevée (≥ 105 CFU/mL). Parallèlement, 284 réactions (0,55%) ont été notifiées par la surveillance passive mais aucun des concentrés plaquettaires impliqués n’était contaminé. Les auteurs montrent que les critères cliniques utilisés pour détecter ces réactions manquent de spécificité.

Cette étude met en évidence les limites d’une surveillance ne comportant qu’un versant passif. La nature des critères cliniques utilisés est très importante pour obtenir une spécificité et une sensibilité satisfaisantes en vue de détecter cet EIR. Les questions portant sur la non déclaration des EIR, le chevauchement des symptômes entre plusieurs EIR demeurent.

Si une culture bactérienne sur les concentrés de plaquettes est pratiquée (résultat négatif à 24 heures ayant conduit à une libération du produit), la question relative à un contrôle supplémentaire (culture ou test rapide, recommandation récente de la Food and Drug Administration) durant le stockage ou à l’utilisation de techniques de réduction de pathogènes est posée.

Lors d’un traitement d’un produit sanguin labile par une méthode de réduction de pathogènes, l’existence de modifications de l’immunogènicité des cellules traitées se pose. Dans un modèle murin, une équipe américaine vient de montrer que la technique de réduction de pathogène Riboflavine – UV n’a pas d’impact sur l’immunogénicité des hématies (Tormay et al. Riboflavine-ultraviolet light pathogen reduction treatment does not impact the immunogenenicity of murine red blood cells. Transfusion 2016;56:863-872).

Les méthodes de réduction de pathogènes inactivent également les leucocytes. Partant du principe que la transfusion des leucocytes peut avoir un impact sur les réponses immunes du receveur, les auteurs ont testés l’hypothèse d’une altération de la réponse aux antigènes érythrocytaires.

Des souris transgéniques exprimant la glycoprotéine de l’antigène Kell (KEL1) humain ont été employées comme « donneuse de sang ». Une seconde catégorie de souris transgéniques exprimant une protéine de fusion contenant le lyzozyme de l’oeuf de poule, l’ovalbumine et l’antigène Fyb (FY2) ou la glycophorine A humaine a également été utilisée.

Les souris receveuses ont été transfusées avec du sang total frais additionné de riboflavine ou traité pour la réduction de pathogène avec riboflavine et UV. Une étude de la survie des hématies et de l’allo-immunisation a été réalisée par cytométrie en flux.

Les auteurs ont d’abord montré que le traitement de réduction de pathogène ne modifie pas l’expression des antigènes érythrocytaires. Le test direct à l’antiglobuline demeure négatif. Vingt quatre heures après la transfusion, les hématies traitées ou non sont retrouvées à plus de 75 %. La survie à plus long terme des hématies traitées est cependant altérée. Les hématies porteuses d’antigène Kell traitées ou non induisent une alloimmunisation similaire chez les souris transfusées. Il en est de même avec la glycophorine humaine. Aucun néo-antigène immunogène n’a été détecté sur les hématies de souris traitées.

Pierre MONCHARMONT

N°15
2016