Revue de Presse N°16 - 2016
DANS LA PRESSE…
Parmi les virus transmissibles par transfusion, le virus de la dengue est une préoccupation importante à la fois par le nombre d’infections annuelles dans le monde mais aussi par le nombre d’infections asymptomatiques donc à risque de transmission au receveur de produits sanguins labiles. Une étude canadienne montre que le virus de la dengue, non seulement persiste dans les concentrés de globules rouges et de plaquettes durant leur stockage, mais également se réplique (Sutherland et al. Dengue virus persists and replicates during storage of platelet and red blood cell units. Transfusion 2016;56:1129-1137).
Du virus de la dengue purifié a été introduit à une quantité (105 à 106 « Plaque Forming Units (PFU) » / mL) mimant le titre de donneurs asymptomatiques dans des concentrés de globules rouges et de plaquettes produits et stockés selon les procédures en vigueur. L’infection a été appréciée par des tests de formation de plaques infectieuses et par une technique de « quantitative reverse transcription – polymerase chain reaction ».
Durant le stockage (42 jours entre 1 et 6° C pour les concentrés de globules rouges, 7 jours sous agitation entre 20 et 24° C pour les concentrés de plaquettes), le virus persistait malgré une décroissance logarithmique de l’infectivité. Pour les concentrés de plaquettes, tous les sérotypes demeuraient infectieux durant les 5 jours de stockage habituels. Selon les sérotypes, une infectivité se maintenait jusqu’à 7 jours. Le génome du sérotype 2 augmentait approximativement d’un facteur 3 durant les 7 jours de stockage des concentrés de plaquettes avec un maximum atteint au 4ème jour. Avec les sérotypes 1,3 et 4, la cinétique était semblable.
Pour les concentrés de globules rouges, l’infectivité du sérotype 2 décroissait plus lentement que dans les concentrés de plaquettes (90% d’infectivité à 7 jours). Les 4 sérotypes persistaient durant tout le stockage.
Avec le sérotype 2, les auteurs ont noté une augmentation de l’ARN du virus dans les concentrés de plaquettes et de globules rouges intacts.
En employant un inhibiteur de la translation et en étudiant la réplication du génome viral, les auteurs ont observé que du virus infectant était produit dans les concentrés de plaquettes. De plus, ils ont montré que du virus était également fabriqué dans les concentrés de globules rouges mais que les cellules impliquées n’étaient pas les hématies (les leucocytes représentent les cellules cibles de la réplication du virus, les plaquettes étant permissives). Les auteurs émettent l’hypothèse que les réticulocytes pourraient aussi être un réservoir dans la production de génome viral notée lors du stockage des concentrés de globules rouges. Cette étude pose la question du dépistage de virus et de l’utilisation de techniques de réduction de pathogènes pour prévenir sa transmission par transfusion.
La publication en novembre 2014 des recommandations de la Haute Autorité de Santé sur la transfusion des globules rouges homologues et, en octobre 2015, de celles portant sur les transfusions de plaquettes préconise l’abandon de l’indication de la qualification « CMV (cytomégalovirus) négatif» pour ces produits sanguins labiles cellulaires. La question relative à la transmission par transfusion du CMV demeure cependant d’actualité dans le domaine transfusionnel comme en témoigne la publication américaine récente d’une revue doublée d’une méta-analyse (Mainou et al. Reducing the risk of transfusion-transmitted cytomegalovirus infection: a systematic review and meta-analysis. Transfusion 2016;56:1569-1580).
Cette revue et cette méta-analyse ont été mandatées par l’American Association of Blood Banks. Deux questions étaient posées : La déleucocytation des produits sanguins labiles cellulaires réduit-elle l’infection à CMV d’origine transfusionnelle ? Le dépistage du CMV apporte-t-il un bénéfice supplémentaire à la déleucocytation ?
Les auteurs ont défini préalablement des critères d’éligibilité pour les différentes études recensées. Une étude n’était retenue que s’il y avait une comparaison : comparaison entre transfusion de produits sanguins cellulaires déleucocytés et transfusion de produits sanguins CMV – ou de produits sanguins non-testés, comparaison entre transfusion de produits déleucocytés et testés pour le CMV (pour les anticorps anti-CMV ou par polymerase chain reaction) et de produits uniquement déleucocytés. Des essais randomisés ou non (observationnels) ont été inclus. Tout type de déleucocytation a été retenu.
Les populations de patients à risque ont été définies : receveurs de cellules souches hématopoïétiques, patients sous chimiothérapie / immunothérapie ou transplantation pour pathologie maligne, nouveau-nés de très faible poids de naissance ou foetus requérant des transfusions in utero, transplantés, femmes enceintes et patients traités pour un déficit immunitaire primaire.
La recherche des études a couvert une période allant du 1er janvier 1980 au 23 février 2015. Sur 457 études recensées, seules 11 ont été en accord avec les critères d’éligibilité établis. Dix études ont été soumises à la méta-analyse.
La méta-analyse sur 5 études ne montrait pas de différence significative pour l’infection à CMV clinique (risque relatif à 0,26) comme pour l’infection à CMV biologique seule (risque relatif à 0,33) en comparant les produits déleucocytés et les produits non testés pour le CMV. Sur 3 études, aucune différence significative pour les mêmes items (infection clinique à CMV et infection à CMV biologique seule) n’a été observée entre les produits déleucocytés et les produits CMV négatif. Il en était de même dans la comparaison produits déleucocytés – produits déleucocytés et testés pour le CMV (2 études). Les auteurs ont relevé que la certitude dans les estimations était faible ou très faible pour toutes les comparaisons.
Dans la discussion, ils font état de leur incapacité à conclure à la supériorité d’une stratégie du point de vue de l’infection clinique comme de l’infection biologique chez les populations à risque. Enfin, ils relèvent que la dernière méta-analyse sur ce sujet a plus de 10 ans et qu’une seule étude retenue a été publiée sur ce sujet en 10 ans.
Il est à noter qu’un rapport a été publié dans le même numéro de transfusion (AABB committee reports : reducing transfusion-transmitted cytomegalovirus infections. Transfusion 2016;56:1581-1587).
L’influence de l’âge des concentrés de globules rouges (CGR) sur le devenir des patients transfusés fait l’objet d’un questionnement récurrent. Une récente étude américaine montre que des CGR âgés de 35 jours ou plus administrés à des patients à risque grève leur devenir (Goel et al. Red blood cells stored 35 days or more are associated with adverse outcomes in high-risk patients. Transfusion 2016;56:1690-1698).
Les auteurs rapportent les résultats d’une étude rétrospective réalisée chez 28 247 patients transfusés ayant reçu 129 483 CGR.
Une base de données incluant 312 994 patients âgés de plus de 6 ans et demi, hospitalisés dans un établissement de soins entre janvier 2009 et juin 2015 a été employée. Les auteurs ont défini, pour sélectionner les patients, des critères d’exclusion et d’inclusion. Sur les 312 994 patients, 47 403 ont reçu au moins un CGR. Les patients transfusés avec des CGR irradiés ou des CGR CPDA ont été écartés. Les auteurs précisent qu’en excluant les CGR irradiés, se trouvent retirés les enfants de moins de 5 ans car ils reçoivent habituellement des produits irradiés. De même, les patients ayant été transfusés avec des CGR frais et âgés (11 195) et ceux ayant reçu exclusivement des produits conservés entre 22 et 27 jours (3 611) n’ont pas été retenus.
Les 13 441 patients transfusés restants ont été répartis en plusieurs groupes :
- Patients n’ayant reçu que des CGR âgés de 21 jours ou moins (4 491),
- Patients n’ayant reçu que des CGR âgés de 28 jours ou plus (8 950) avec un sous groupe issu de celui-ci ne comportant que des patients transfusés avec des CGR âgés de 35 jours ou plus (3 074).
Plusieurs paramètres ont été évalués: le devenir primaire sur la base de la morbidité (cinq types d’événements apparus durant le séjour : infection, thrombose, atteinte rénale, atteinte respiratoire, atteinte ischémique) et mortalité. Le devenir secondaire avec la durée du séjour hospitalier. Un séjour hospitalier était considéré comme prolongé lorsqu’il excédait le 75ème percentile (12 jours pour les patients inclus dans cette analyse).
Par comparaison au groupe « CGR âgés de 21 jours ou moins », le groupe « CGR âgés de 28 jours ou plus » comportait des patients plus âgés et recevant plus d’unités. De même, les patients du groupe « CGR âgés de 35 jours ou plus » étaient plus âgés mais sont moins transfusés.
Du point de vue de la morbidité, en incluant tous les patients, les patients des deux groupes « CGR âgés de 28 jours ou plus » et « CGR âgés de 35 jours ou plus » avaient une morbidité plus élevée que ceux du groupe « CGR de 21 jours ou moins ». Seul le critère « 35 jours ou plus » représentait un facteur prédictif indépendant pour la morbidité mais pas pour la mortalité.
Chez les patients en situation critique, l’âge de 35 jours ou plus des CGR était un facteur prédictif de morbidité et de mortalité ce qui n’était pas le cas pour l’âge de 28 jours ou plus des CGR.
Chez les patients âgés de plus de 60 ans, l’âge de 35 jours ou plus des CGR était associé à un ratio plus élevé de morbidité. Ce facteur n’accroissait pas la mortalité. Enfin, les patients recevant des CGR de 35 jours ou plus avaient un séjour hospitalier prolongé.
Les auteurs évoquent plusieurs limites à leur étude dont le taux important de patients ayant reçu des produits irradiées ou conservés sur CPAD (approximativement 40%), la méthodologie fixant les événements liés à la morbidité, l’impossibilité de savoir si l’événement morbide s’est produit avant ou après la transfusion (données de type administratif), le très faible pourcentage de CGR stockés sur les deux premières semaines délivrés (impossibilité d’utiliser ce groupe comme référence).
Les auteurs concluent que la transfusion de CGR dans les 7 derniers jours de leur stockage (sur 42 jours) peut être associée à une mauvaise évolution clinique chez les patients à haut risque.
Pierre MONCHARMONT