Revue de Presse N°18 - 2017
DANS LA PRESSE…
Le Royaume Uni dispose d’un système d’hémovigilance (le SHOT Serious Hazards Of Transfusion) en activité depuis une vingtaine d’années. Les données 2015, présentées en 2016, montrent que les facteurs humains demeurent à la base de beaucoup d’incidents et d’effets indésirables liés à la transfusion (Bolton-Maggs SHOT conference report 2016 : serious hazards of transfusion – humain factors continue to cause most transfusion – related incidents. Transfusion Medicine, 2016; 26:401-405).
L’auteur précise que la majorité des 3288 notifications (77,7%) était liée à des erreurs ou à des facteurs humains. Un élément intéressant était que seulement 10 % de ces erreurs ne pouvaient être prévenus. Les pressions et le stress dans l’environnement hospitalier contribuaient à cette situation. Un total de 26 décès dans lesquels la transfusion jouait un rôle a été observé. Dans deux décès, l’imputabilité de la transfusion était certaine (un retard à la transfusion et une réaction d’hémolyse). Les quatre effets indésirables sévères les plus fréquents étaient l’hémolyse, l’œdème aigu du poumon de surcharge, le retard à la transfusion et les réactions transfusionnelles aigues (allergie, fièvre). L’œdème aigu du poumon de surcharge restait le plus gros contributeur des décès (7 cas). Il jouait également un rôle important dans 34 autres cas. Les retards à la transfusion étaient en augmentation en 2015, les facteurs y contribuant restant multiples (à l’origine de 6 décès). Sept transfusions ABO incompatibles ont été observées dont une avec décès.
Parmi ses données, le SHOT s’intéresse à l’administration des immunoglobulines anti-D. Trois cent cinquante notifications portaient sur cette question avec dans 271 cas (77,4%) un retard ou une absence d’administration. Les infirmières et les sages-femmes étaient impliquées dans 227 cas (83,8%), les médecins dans 24 et les erreurs de laboratoires dans 20. Trois femmes ont développé des anticorps anti-D en raison de ces dysfonctionnements. Beaucoup de ces notifications mettaient en évidence une communication insuffisante et une mauvaise compréhension.
Dans le domaine de la pédiatrie, était relevée l’administration d’unités adulte alors que des unités pédiatriques étaient disponibles. Cinq notifications portaient sur des complications après exsanguino transfusion, dont une avec un décès. Enfin, six cas d’entérocolite nécrosante post-transfusionnelle ont été rapportés dont 3 avec décès.
Apprécier l’impact potentiel sur l’approvisionnement en produits sanguins labiles de l’apparition d’un agent infectieux émergent est une question fondamentale en matière de santé publique. Une revue de la littérature a tenté de réaliser un tel point avec le virus Zika (Jimenez et al. Zika virus and the blood supply: what do we know ? Transfusion Medicine Reviews, 2017;31:1-10)
Comme le rappellent les auteurs, ce virus de la famille des Flaviviridae, a été identifié pour la première fois en Ouganda chez le singe Maccacus rhesus en 1947. Si jusqu’en 2007, seuls des cas sporadiques avaient été observés chez l’homme, des épidémies sont ensuite apparues notamment en Polynésie française en octobre 2013, puis en Amérique (Brésil début 2015).
Les vecteurs, des moustiques du genre Aedes (dont l’Aedes aegypti), bénéficient d’une large répartition mondiale et d’une extension de leurs zones de présence. La transmission à l’homme par piqûre d’un moustique infecté ne constitue pas le seul mode d’infection. La transmission par voie sexuelle, principalement homme – femme a été établie, tout comme la transmission mère – enfant avec des conséquences importantes au niveau du système nerveux central (microcéphalie notamment). En matière transfusionnelle, le virus a été détecté sur des dons du sang dans les zones où il circule. Dans ce cadre, de nombreuses questions ont été soulevées. L’une des premières a porté sur la détection de l’infection chez les donneurs de sang. Près de 80% des personnes infectées sont asymptomatiques. Les méthodes de diagnostic biologique sont multiples (sérologie, biologie moléculaire, culture) mais sont d’application délicate dans certains pays concernés (problèmes de coût, de mise en route, …).
Les auteurs rappellent que la pénétrance clinique du virus n’est pas encore clairement établie et que 4 cas de transmission transfusionnelle possible ont été rapportés. S’inspirer de l’expérience acquise avec d’autres virus (virus West Nile, virus de la dengue et virus Chikungunya) peut aider à traiter les questionnements liés au virus Zika. Plusieurs solutions sont exposées par les auteurs : sélection et ajournement des donneurs, mise en quarantaine des produits sanguins, dépistage en laboratoire, utilisation de la réduction de pathogènes, ciblage les receveurs à risque (femmes enceintes, mais la transfusion chez ces patientes est rare dans certains pays). Dans la discussion, les auteurs reprennent différentes questions et concluent que beaucoup d’incertitudes demeurent sur l’impact du virus Zika pour l’approvisionnement en produits sanguins.
Une revue de la littérature récente aborde la question de l’immuno-modulation due à la transfusion dans les pathologies graves pédiatriques (Muszynski et al. Transfusion-related immunomodulation: review of the literature and implications for pediatric critical illness. Transfusion 2017;57:195-206).
L’immuno-suppression induite par des pathologies graves pouvant aller, dans sa forme la plus sévère, jusqu’à la « paralysie immune », peut toucher aussi bien l’immunité innée que l’immunité acquise. Les mécanismes responsables de cette imuno-supppression sont encore peu clairs mais impliquent de nombreux facteurs intéressant l’hôte lui-même, l’environnement et le traitement. En raison de ce constat, les effets immunologiques liés à la transfusion peuvent être difficile à prédire. Au sein des unités de soins intensifs pédiatriques, l’incidence de la transfusion de concentrés de globules rouges est plus importante que celle de plasma.
Les effets immuno-modulateurs des transfusions de concentrés de globules rouges seraient le résultat d’un mélange d’effets pro-inflammatoires et d’effets immuno-suppresseurs. Il en serait de même pour les transfusions de plaquettes. Pour le plasma, les données sont fragmentaires.
La question de l’existence d’une immunomodulation liée à la transfusion chez les patients en unités de soins intensifs doit être posée. L’un des obstacles majeurs pour mesurer cet effet correspond à l’intensité et la variabilité de l’immunomodulation de base existant chez ces patients et indépendante de la transfusion. Les facteurs intervenants sont multiples et la réponse probablement complexe. De plus tous les produits sanguins ne sont pas équivalents : variabilité chez le donneur de sang (sexe, âge, ethnie) et variabilité des méthodes de production peuvent avoir un impact. Par exemple, pour les concentrés de globules rouges, si la durée du stockage est explorée dans les essais cliniques randomisés, les facteurs liés au donneur et ceux dus à la production sont maintenant en cours d’étude sur les évolutions pour le patient.
Il existe également une hétérogénéité de la population transfusée. Les études observationnelles sont limitées notamment parce que les patients qui sont transfusés sont probablement plus atteints que ceux qui ne le sont pas. L’intérêt des études de seuils transfusionnels appropriés pour différents patients, de la collecte d’échantillons biologiques chez des patients randomisés transfusés ou non (comparaisons objectives de la fonction immune de ces sujets), de l’immunophénotypage est réel. La demande d’une connaissance plus complète de la biologie fondamentale de l’immunomodulation liée à la transfusion existe.
Pierre MONCHARMONT