Revue de Presse N°06 - 2014
DANS LA PRESSE…
Le virus de l’hépatite E (HVE) est l’objet, dans le domaine transfusionnel, de nombreuses questions, en particulier, du point de vue du risque de transmission aux receveurs. Le virus, initialement trouvé dans les pays en voie de développement, a été détecté dans les pays développés et les questions relatives à sa prévalence et à son incidence sont posées. Une équipe allemande vient de publier récemment une étude sur ce virus chez les donneurs de sang (Juhl et al. Seroprevalence and incidence of hepatitis E virus infection in German blood donors. Transfusion 2014;54:49-56).
Les auteurs ont inclus 1019 donneurs de sang [591 hommes (58,0%) et 428 femmes (42,0%)], comprenant 117 donneurs premier don et 902 donneurs réguliers. Un test ELISA dépistant les anticorps anti-HVE de classe G a été employé.
Soixante neuf (6,8%) des 1019 donneurs évalués ont été trouvés positif en dépistage ELISA et confirmés positifs en western-blot HVE (vrai positif) (43 hommes et 26 femmes). Sur les 117 donneurs premier don, 3 avaient un résultat positif (2,6%) et 66 parmi les 902 donneurs réguliers (7,3%) également. Les auteurs notent que la séroprévalence croît avec l’âge, passant de 3,3% (16/481) pour les donneurs entre 18 et 40 ans à 9,9% (53/538) pour les donneurs entre 41 et 70 ans. Cette différence est statistiquement hautement significative (p < 0,0001).
Parmi les 65 donneurs séropositifs et pour lesquels des échantillons antérieurs étaient disponibles, 58 étaient déjà séropositifs dans les 2 années précédentes. L’incidence calculée pour le HVE est de 0,35% par an. Sept donneurs avaient un résultat négatif pour les anticorps sur l’échantillon antérieur testé, prélevé en moyenne,1,94 année avant.
Pour ces 7 donneurs ayant présenté une séroconversion, 34 échantillons conservés ont été obtenus. Trois (8,8%) de ces 34 échantillons contenaient de l’ARN du HVE. De l’ARN du HVE n’était pas détectable sur l’échantillon précédent celui contenant de l’ARN, échantillons prélevés respectivement 69, 168 et 77 jours auparavant chez ces 3 donneurs. De même, de l’ARN du HVE n’existait pas dans les 3 échantillons suivant celui où de l’ARN était présent (238, 87 et 80 jours respectivement). Un seul de ces 3 donneurs possédait des anticorps anti-HVE de classe M dans l’échantillon positif pour l’ARN du HVE.
L’intervalle moyen entre le dernier échantillon sans marqueur HVE et le premier échantillon trouvé positif pour les anticorps anti-HVE mais sans ARN du HVE chez les 7 donneurs avec séroconversion était de 180 jours.
Un autre élément intéressant relevé par les auteurs est qu’aucun des 7 donneurs avec séroconversion ne présentait un taux élevé de transaminases (ALT) sur les échantillons conservés.
Le receveur d’un concentré érythrocytaire d’un des donneurs ARN HVE positif a été retrouvé et des échantillons conservés de ce patient ont pu être testés. Tous ces échantillons étaient négatif pour les anticorps anti-HVE de classes G et M et pour l’ARN du HVE jusqu’à 41 jours après la transfusion en cause.
Dans la discussion les auteurs soulèvent diverses questions : durée de la virémie inconnue, infection HVE asymptomatique,… Ils soulignent que la recherche des anticorps anti-HVE de classe M et la détermination du taux de transaminases ne représentent pas des méthodes appropriées de détection du HVE, ces marqueurs ne corrélant pas avec la virémie.
La biologie moléculaire représente la méthode permettant de potentiellement de prévenir la transmission du HVE par transfusion. Cependant, avant son introduction en qualification biologique du don, des données complémentaires devront être obtenues (durée de la virémie, dose minimale infectante, rôle des anticorps anti-HVE chez le receveur, infections HVE symptomatiques).
Dans le même numéro de la revue Transfusion, un éditorial (Kenrad E Nelson Transmission of hepatitis E virus by transfusion : what is the risk ? Transfusion 2014;54:8-10) en lien avec cet article réalise notamment un point sur les différentes études réalisées chez les donneurs de sang.
Si la description de l’échange plasmatique et l’établissement de la terminologie « aphèrèse » datent de près de 100 ans, les mécanismes d’action de cette thérapeutique dans certaines pathologies demeurent peu clairs. Une revue sur ce sujet vient d’être publiée récemment (Reeves HM and Winters JL. The mechanisms of action of plasma exchange. British Journal of Haematology 214;164:342-351).
Les auteurs rappellent les deux grands mécanismes de retrait du plasma, la centrifugation et la filtration (simple ou double) et notent que l’échange plasmatique est pratiqué dans de nombreuses pathologies. L’échange plasmatique a pour premier objectif de retirer une substance pathologique. Ce retrait dépend du volume de plasma traité mais également de la répartition de la dite substance dans les compartiments vasculaire et extra-vasculaire. Un échange de une à une fois et demi le volume plasmatique élimine approximativement 70% d’une substance intravasculaire. Si l’élimination de substances « anormales » est un des mécanismes d’amélioration d’une pathologie, d’autres mécanismes apparaissent mis en jeu lors d’un échange plasmatique. Les auteurs détaillent l’élimination des anticorps dans plusieurs pathologies (syndrome d’hyperviscosité, allo-anticorps). Parmi les autres mécanismes mis en avant: la sensibilisation des cellules produisant des anticorps aux agents immunosuppresseurs et de chimiothérapie, l’augmentation de la fonctionnalité des monocytes macrophages par élimination des immuns complexes. L’élimination de cytokines et de molécules d’adhésion a été étudiée mais les résultats ne sont pas probants.
L’échange plasmatique permet de remplacer des composants plasmatiques manquants (Purpura thrombopénique thrombopathique, ADAMTS13). Enfin les auteurs évoquent les modifications du système immunitaire induites par l’échange plasmatique : modification du nombre et de la distribution des lymphocytes, du nombre et de l’activité des cellules natural killer, de fonction des cellules T suppressives, du ratio Th1/Th2.
Les auteurs concluent que malgré une utilisation ayant débuté il y très longtemps, de nombreuses questions relatives aux mécanismes d’action de l’échange plasmatique demeurent, que les études disponibles sur ces sujets sont en nombre limité, basées sur l’observation d’effectifs de petite taille et que de nombreuses études restent donc à réaliser.
La survenue d’une hémorragie intracrânienne (HIC) chez un nouveau-né de très faible poids de naissance est une complication d’une particulière gravité. Plusieurs études ont montré un lien entre la survenue d’une HIC et l’administration de concentrés érythrocytaires dans les premiers jours de vie. Une étude américaine a tenté de confirmer ce lien. Elle a également montré que le changement des pratiques en matière transfusionnelle réduisait le risque d’apparition d’une HIC chez les enfants de très faible poids de naissance (Christensen et al. Association, among very-low-birthweight neonates, between red blood cell transfusion in the week after birth and severe intraventricular hemorrhage. Transfusion, 2014;54:104-108).
Les auteurs ont étudié l’impact d’un nouveau programme de management de la transfusion appliqué dans des unités de soins intensifs néonatales d’un ensemble de 21 établissements de santé. Ce programme a été mis en place en 2009 pour améliorer l’observance des recommandations de la transfusion de concentrés érythrocytaires chez les nouveau-nés. Du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2012, 2716 nouveau-nés de faible poids de naissance ont été recensés. Trente et un sont décédés dans les premiers jours de vie sans avoir eu d’échographie crânienne et ont été écartés de l’étude. Sur les 2685 enfants restants, le taux d’HIC de grade 3 ou 4 était de 27% (314 cas) chez ceux ayant été transfusés dans la première semaine de vie contre moins de 2% (26 cas) pour ceux non transfusé durant la même période post-natale. Le risque de développer une HIC sévère était de 21,4 fois plus élevé chez les enfants transfusés. Dans la première semaine de vie, 58% des nouveau-nés avaient reçu une transfusion de concentré érythrocytaire précoce en 2004 contre seulement 25% en 2012. Durant cette période, l’incidence des HIC sévère a significativement diminué, passant de 17% en 2004 à 8% en 2012. Cette diminution de l’incidence n’était observée que chez les enfants pris en charge directement pour le groupement d’établissement. Cette observation n’était pas confirmée chez les enfants mutés d’un premier établissement n’appartenant pas au groupement vers un établissement du groupe.
La diminution du recours à la transfusion érythrocytaire chez les nouveau-nés de faible poids de naissance durant la première semaine de vie réduit de manière importante le risque d’HIC. Dans la discussion, les auteurs tentent d’apporter plusieurs explications à ces observations, le ou les mécanismes pouvant expliquer ce constat n’étant pas clairement établis.
L’oedème pulmonaire de surcharge associé à la transfusion (Transfusion associated circulatory overload, TACO) est une pathologie grave et dont la fréquence et les facteurs de risques doivent être établis le plus clairement possible afin d’en assurer le diagnostic, le traitement et la prévention. Constatant l’absence d’étude large sur ce sujet chez les patients âgés et transfusés, une équipe américaine a effectué une vaste étude prospective afin d’en établir la fréquence et les facteurs de risque potentiels chez ces patients [Menis et al. Transfusion-associated circulatory overload (TACO) and potential risk factors among the inpatients US elderly as recorded in Medicare administrative databases during 2011. Vox Sanguinis, 2014 ;106 :144-152]. Utilisant la base de données de Medicare (n.d.l.a. : système d’assurance maladie pour les personnes âgées de plus de 65 ans aux Etats Unis et géré par le gouvernement américain), une étude rétrospective basée sur les déclarations enregistrées et concernant des patients et leurs séjours hospitaliers sur l’année 2011 a été réalisée. Les auteurs ont employé le code diagnostic du TACO et les codes transfusion sanguine et produits sanguins afin d’obtenir les différentes valeurs des paramètres de l’étude retenus (produits sanguins, âge, sexe, ethnie, nombre d’unités transfusées, …).
Sur 2 147 038 séjours hospitaliers de personnes âgées avec transfusion en 2011, 1340 séjours comportaient la notification d’un TACO, soit un taux global de 62,4 TACO pour 100 000 séjours. Les auteurs notent, que dans 24 séjours (1,8%), un TRALI (Transfusion Related Acute Lung Injury) était également déclaré. Le taux de TACO augmentait significativement avec l’âge : 39,5 pour 100 000 séjours dans la tranche d’âge 65-69 ans contre 86,0 TACO pour 100 000 séjours chez les patients âgés de 85 ans et plus. Ce taux augmentait de même avec le nombre d’unités transfusées, passant de 25,6 pour une unité à 112,7 pour plus de 9 unités transfusées. Le taux était plus élevé chez les femmes (69,3) que chez les hommes (53,4), chez les blancs (65,2) que dans les autres populations (47,4). En l’absence d’ajustement, le risque relatif était de 1,30 pour les femmes et 1,38 pour les blancs.
Pour les séjours ne comportant l’administration que d’un seul type de produit sanguin, le taux de TACO était de 67,6 avec les concentrés érythrocytaires, de 66,2 avec les plasmas et de seulement de 15,9 avec les concentrés plaquettaires. Le taux le plus élevé était relevé lors de l’administration conjointe de concentrés érythrocytaires et de plasma (183,5) et de concentrés érythrocytaires et plaquettaires (152,8). Comparé aux séjours avec transfusion ne comportant que des concentrés érythrocytaires, en l’absence d’ajustement, le risque relatif était de 2,71 pour l’association concentrés érythrocytaires – plasma et de 2,26 pour l’association concentrés érythrocytaires et plaquettaires. Le risque relatif le plus faible a été noté pour les concentrés plaquettaires seuls (0,23).
En comparant les séjours avec transfusion comportant un TACO déclaré avec les mêmes mais sans TACO notifié, les auteurs observaient les éléments suivants : environ 55% des séjours avec TACO l‘étaient chez des personnes de plus de 79 ans contre 43 % sans ; 63 % des séjours avec TACO concernaient des femmes contre 57% sans ; 65% des séjours avec TACO comportaient une admission en urgence contre 56% sans.
Les patients avec insuffisance cardiaque avaient un odds ratio (OR) de TACO plus élevé (1,61), de même ceux présentant une maladie pulmonaire chronique (1,19) ou une anémie. Les femmes avaient un OR plus haut que les hommes (1,40).
Les auteurs font état de plusieurs limites à leur étude dont : la possible sous déclaration ou les erreurs de déclaration de transfusions, d’unités transfusées, de code diagnostic. Ils mentionnent également l’absence de données cliniques pour la validation du diagnostic de TACO. De même, la différence entre un TACO et un TRALI peut être difficile à établir.
Les auteurs concluent qu’une augmentation notable de TACO est observée chez les patients âgés et est liée au nombre d’unités transfusées. Leur étude suggère un accroissement significatif de l’OR de TACO chez les sujets âgés de 3% par année d’âge. Parmi les facteurs risques, ils relèvent la transfusion conjointe de concentrés érythrocytaires et de plasma, de concentrés érythrocytaires et plaquettaires. Les patients avec une insuffisance cardiaque, une maladie pulmonaire chronique ou une hémopathie avec anémie sont à risque.
Pierre MONCHARMONT