Revue de presse 20

Revue de Presse N°20 - 2017

DANS LA PRESSE…

La mise en place de la prévention de l’alloimmunisation anti-D (anti-RH1) maternelle par administration d’immunoglobulines humaines anti-D chez les patientes D– porteuses d’un enfant D+ pendant la grossesse ou ayant accouché d’un enfant D+ a montré, au cours du temps, une réelle efficacité. Néanmoins, la réalisation d’un point sur ce sujet conserve un intérêt en pratique clinique. Une équipe d’Irlande du Nord vient d’effectuer un tel bilan. Il met en évidence la persistance d’alloimmunisations maternelles anti-D malgré le respect des recommandations (McCauley et al. A review of maternal alloimmunisation to Rh D in Northen Ireland. Transfusion Medicine, 2017; 24:132-135).

Afin d’établir le taux de sensibilisation anti-D maternel, les auteurs ont recensé, dans une étude rétrospective, entre janvier 2011 et septembre 2015, les allo immunisations anti-D maternelles détectées lors de bilans anténataux en Irelande du Nord. Ils ont, en parallèle, tenté d’apprécier le degré d’application des recommandations dans ce domaine.

Soixante-sept nouveaux cas de sensibilisation maternelle ont été détectés dont 61 sur la période 2010 – 2014 comptabilisant 124 528 naissances. Parmi ces derniers, 4 cas existaient antérieurement (identifiés dans une autre région) et ont été exclus du calcul de l’incidence. Celle-ci s’élevait à 0,310 % pour la période 2010 - 2014.

La répartition de ces sensibilisations en fonction du moment de la grossesse est un indicateur très intéressant. Sur l’ensemble, 51 % des cas ont été identifiés suite à l’accouchement et dans 33 cas sur ces 34, le volume de l’hémorragie foetomaternelle a été établi : dans 28 cas moins de 4 mL, dans 5 plus de 4 mL. Dans ces 5 derniers cas, une dose supplémentaire d’immunoglobulines anti-D a été administrée. La dose habituelle d’anti-D était de 500 UI dans les 72 heures suivant l’accouchement si le volume de l’hémorragie foeto-maternelle était inférieur à 4 mL.

Dans 21 % des cas, la sensibilisation s’est produite pendant la grossesse. Dans 3 cas, un événement potentiellement sensibilisant a eu lieu, correctement géré dans 2 cas (recommandation : 250 UI d’anti-D entre la 12ème et la 20ème semaine de gestation, 500 UI après la 20ème semaine de gestation) mais pas dans un cas (non administration d’immunoglobulines suite à un traumatisme abdominal survenu à 25 semaines de gestation). Trois sensibilisations ont été découvertes après la 30ème semaine de gestation, avec dans 2 cas, une bonne application des recommandations (administration d’immunoglobulines anti-D entre la 29ème et la 31ème semaine de gestion d’une dose unique de 1500 UI d’anti-D chez la femme D négatif). Dans le dernier cas, le conjoint avait été confirmé D- mais l’enfant était D+ et la prophylaxie n’avait pas été appliquée. Dans les autres cas, aucune étiologie pouvant expliquer cette sensibilisation n’a pu être donnée (maladie hémolytique silencieuse).

Enfin, dans 28% des cas, l’identification avait été effectuée lors d’une première grossesse prise en charge par le service de transfusion sanguine d’Irlande du Nord. Quinze de ces 19 cas avaient un antécédent de grossesses précédentes dans une autre région (dont 5 patientes identifiées alloimmunisées anti-D). Les 4 cas restants étaient des primipares sans antécédent transfusionnel. Aucune cause identifiable pouvant expliquer l’alloimmunisation anti-D n’a pu être retrouvée.

Du point de vue des recommandations, celles-ci avaient été complétement suivies, avec un taux d’application de 97% (65/67 cas). Sur l’ensemble, seuls 4% des cas (3 au total) pouvaient potentiellement être prévenus. Dans un cas, l’obtention du résultat d’un test de Kleihauer post-partum n’a pu être réalisée, dans deux autres, la prévention n’a pas été appliquée (patiente victime d’un traumatisme abdominal à la 25ème semaine de gestation et patiente dont le conjoint était D- mais l’enfant D+).

Si des sensibilisations anti-D ont été observées sur la période de cette étude rétrospective, une réflexion sur un changement de pratique est actuellement en cours pour les réduire en Irlande du Nord. Elle porte sur l’augmentation de la dose d’anti-D en post-partum qui passerait de 500 UI à 1500 UI.

La transmission du prion par transfusion demeure une question d’actualité. Un article récent apporte des éclaircissements sur le risque de transmission transfusionnelle de l’agent de la maladie de Creutzfeld Jakob (Crowder et al. Creutzfeld-Jakob disease lookback study: 21 years of surveillance for transfusion transmission risk. Transfusion 2017; 57:1875-1878).

L’un des intérêts de cette étude porte sur sa durée (initiée en 1995). Des donneurs de sang atteints de maladie de Creutzfeld-Jakob confirmée ou probable ont été recensés. Par leurs dons antérieurs tracés, les receveurs de produits sanguins issus de leurs dons ont été inventoriés. Les donneurs et les receveurs avec un dossier complet ont été inclus.

Soixante-cinq donneurs ont été retenus dont 42 (64,4%) avec une confirmation du diagnostic. Pour 63 d’entre eux, la pathologie était sporadique, pour un d’origine familiale et pour un de source iatrogène, liée à une greffe de dure-mère.

Pour l’ensemble des 65 donneurs, 1816 produits ont été obtenus, dont seulement 826 (45,5%) comportaient des informations disponibles sur le receveur. Dans 572 cas, le produit sanguin était spécifié : 291 concentrés de globules rouges, 170 concentrés plaquettaires, 77 plasmas, 11 produits sang total et 23 autres. Pour 27 patients, l’information de traçabilité était insuffisante. Sur les 799 patients restants, jusqu’au mois de décembre 2014, 154 étaient en vie et 645 décédés.

Compte tenu de la longue incubation (de durée inconnue) de la maladie et du fait que le risque infectieux prion est théoriquement plus élevé à proximité du début des symptômes, les auteurs se sont intéressés à des receveurs particuliers. Deux cent soixante-quatre receveurs étaient des survivants à long terme (survie de 5 ans et plus après transfusion), 414 patients avaient reçu des produits sanguins donnés 60 mois ou moins avant le diagnostic de maladie de Creutzfeld-Jakob chez le donneur ou de début des symptômes et 105 receveurs appartenaient à ces deux catégories. Dans ce dernier groupe, aucun cas de maladie de Creutzfeld Jakob n’a été observé.

Au regard de ces résultats, les auteurs concluent qu’il n’y a pas de preuve de transmission transfusionnelle de cette maladie et que le risque demeure théorique.

Le respect des indications et la prescription correcte d’un médicament dérivé du sang restent fondamentaux. Une étude américaine a tenter d’apprécier la connaissance et la compétence des obstétriciens et des gynécologues en matière d’indications d’utilisation d’immunoglobulines anti-D (anti-RH1) et de doses à prescrire (Yu et al. Obstetrics and gynecology physician knowledge of Rh immune globulin prophylaxis. Transfusion 2017; 57:1385-1390).

Un questionnaire électronique sécurisé anonyme de 17 questions réparties en 4 catégories portant sur la prise en charge des immunoglobulines anti-D a été distribué à des praticiens obstétriciens gynécologues traitants et résidents affiliés à un programme de formation. Les participants étaient, dans un premier temps, interrogés sur leur propre perception de leur connaissance et de leur aisance à utiliser les immunoglobulines anti-D. Des questions spécifiques testant les indications médicales et le calcul des doses dans différentes situations étaient proposées. Puis les praticiens ont été questionnés sur la pratique standard de calculs de dose d’immunoglobulines anti-D dans leur établissement respectif. Enfin, a été abordé le point portant sur la réalisation de formation concernant les indications et les calculs de doses d’immunoglobulines anti-D données à titre d’immunoprophylaxie Rhésus. Des informations d’ordre démographique [années de pratique ou de formation, généraliste ou spécialiste, nature de la pratique (universitaire, hospitalière, …)] ont été recueillies.

Le lien du questionnaire a été envoyé à 201 coordinateurs de programme de formation aux Etats-Unis. Cent soixante-cinq questionnaires ont été retournés dont 139 complets. La majorité des répondeurs étaient des praticiens obstétriciens gynécologues résidents (82%). Parmi les praticiens traitants (16% des répondants), 50% étaient des généralistes, 36% des spécialistes en obstétrique et 14% des spécialistes en gynécologie.

Tous les praticiens traitants considéraient être modérément à extrêmement compétents sur les indications de immunoglobulines anti-D. Les praticiens résidents rapportaient une répartition plus large de leur niveau de connaissances. La majorité des répondants (61%) affiliés comme résidents étaient ceux qui avaient eu la formation la plus récente sur les indications des immunoglobulines anti-D tandis que 26% des répondants l’avaient suivie lors de leurs études. Néanmoins, 12% notifiaient n’avoir jamais bénéficié d’une telle formation. Un pourcentage significatif (92%) de répondants reconnaît correctement le besoin de telles immunoglobulines chez les patientes D- sans anticorps. Néanmoins, 34 % répondaient de manière incorrecte en considérant la nécessité d’immunoglobulines anti-D chez des patientes D- porteuses d’anticorps anti-D. Tous les praticiens traitants (22) ont répondu correctement. Par contre, 49% des praticiens résidents (47 participants) ayant donné une réponse incorrecte, se considéraient comme modérément à extrêmement informés sur les indications. La majorité des répondants fournissait une réponse correcte pour les intervalles de temps d’administration : 96% à 28 semaines de gestation, 95% dans les 72 heures après accouchement d’un enfant D+.

Un total de 91% des praticiens traitants et de 31% des praticiens résidents considéraient qu’ils étaient au moins modérément informés sur la bonne dose à donner. Un chiffre est intéressant : 35% signalaient ne jamais avoir eu une formation formelle sur ce dosage. Un total de 78% identifiait correctement le dosage standard (300 µg) et 54%, le fait que pour une hémorragie de 30 mL de sang total fœtal, l’immunisation serait bloquée avec une seule injection de 300 µg d’immunoglobulines 4 anti-D. Cependant, 23% avançaient le chiffre de 15 mL d’hémorragie et 23% donnaient une valeur erronée (de 1 à 200 mL).

Trois calculs de dose étaient proposés dans trois scénarios : hémorragie de 0, 15 et 45 mL. En l’absence d’hémorragie, 82% répondaient correctement pour la dose. Dans la situation avec hémorragie de 15 mL, seuls 9% donnaient la bonne réponse tandis que pour l’hémorragie à 45 mL, le taux de réponse correcte atteignait 22%. Un total de 46% de répondeurs signalait que la banque de sang donnait habituellement la dose tandis que 9% de répondeurs obstétriciens la calculaient eux-mêmes. Une majorité de répondant (52%) ne connaissait pas l’unité standard de mesure de l’hémorragie fœtale donnée par leur laboratoire hospitalier.

Les auteurs notent qu’un pourcentage significatif de praticiens gynécologue obstétricien n’avaient pas reçu de formation de calcul de dose en cas d’hémorragie fœtale et montraient des connaissances insuffisantes dans ce domaine. Les données obtenues suggèrent également que si les répondeurs comprennent la dose de base, ils ne sont pas informés de la recommandation d’administration d’une dose supplémentaire en cas d’hémorragie excessive.

La nécessité d’une clarification et d’une formation sur les recommandations de dose peut être plus précisément démontrée par l’analyse des réponses obtenues lors de cette surveillance.

Pierre MONCHARMONT

N°20
2017