Revue de Presse N°04 - 2013
DANS LA PRESSE…
La pratique de la prévention de la maladie hémolytique du foetus et du nouveau-né par allo-anticorps anti-RH:1 (anti-D) avec injection d’immunoglobulines humaines anti-RH:1 chez les femmes RH:-1 enceintes d’un enfant RH:1 ou en post-partum immédiat depuis plusieurs décennies a montré son efficacité. Des auteurs américains ont exploré l’hypothèse d’un effet immunosuppresseur non spécifique de ces immunoglobulines anti-RH:1 permettant la diminution d’une immunisation de la femme enceinte pour d’autres antigènes dont les antigènes HLA (Kaufman et al. Does Rh immune globulin suppress HLA sensitization in pregnancy ? Transfusion 2013;53:2069-2077).
En pratique, aux Etats Unis, les femmes enceintes RH:-1 bénéficient, à la 28ème semaine de grossesse ou aux alentours, d’une injection de 300 g d’immunoglobulines anti-RH:1 et, après l’accouchement d’un enfant RH :1, d’une nouvelle injection de 300 g d’immunoglobulines anti-RH:1, dose qui peut être augmentée en fonction du volume de l’hémorragie foeto-maternelle.
Les auteurs ont utilisé les données obtenues lors d’une étude sur la prévalence des anticorps anti-HLA chez des donneurs de sang volontaires qui comportait un recueil des antécédents de grossesse et de transfusions dans six établissement américains. Plus de 90% des sujets de cette étude étaient des caucasiens. Les auteurs ont calculé que l’enfant était RH :1 dans 60% des cas au sein de cette population.
Sur le plan de la prophylaxie, aucune n’était pratiquée avant 1968. à partir de 1968, l’administration des immunoglobulines anti-RH:1 était effectuée uniquement après l’accouchement chez les femmes RH:-1 à risque. A partir de 1984, l’administration d’une dose d’immunoglobulines anti-RH :1 a été recommandée à la 28ème semaine de grossesse à titre prophylactique. L’un des trois schémas d’administration appliqué chez une patiente dépendait de l’année de la grossesse.
Dans l’étude sur la prévalence des anticorps anti-HLA, le groupe RH:1, les nombres de grossesse et d’accouchement étaient connus. Néanmoins, seule la date de la dernière grossesse a été recueillie. Les auteurs ont basé leur étude sur l’âge de la femme au moment de l’inclusion dans l’étude anticorps anti-HLA et créé cinq cohortes d’âge : femmes n’ayant pas plus de 40 ans, femmes entre 41 et 50 ans, 51 et 60 ans, 61 et 70 ans et 71 ans et plus.
Un total de 5819 femmes, réparties en 1069 RH :-1 (18,4%) et 4750 RH :1 (81,6%), a été étudié. Chez les 625 femmes n’ayant pas plus de 40 ans et avec des antécédents de grossesse avant inclusion dans l’étude immunisation HLA, le risque d’immunisation anti-HLA, quelque soit la classe HLA, était significativement plus faible chez celles RH:-1 que chez celles RH:1 (risque relatif 0,58). Ces patientes ont, en principe, reçu une dose d’immunoglobulines anti-RH:1 durant leur grossesse et pour 60% d’entre-elles, une dose supplémentaire au moment de l’accouchement (enfant RH:1). Aucune différence statistiquement significative n’a été observée pour les autres cohortes.
Le taux d’immunisation HLA augmentait avec le nombre d’accouchement passant de 2,0% pour celles n’ayant jamais accouché à 35,0% pour 4 accouchements ou plus. En utilisant ce paramètre et en comparant l’immunisation chez les femmes RH:-1 et RH:1, les auteurs ne relèvent pas de lien clair entre groupe RH:1 et immunisation HLA dans les cohortes de femmes âgées de 51 à 60 ans, de 61 à 70 ans et d’au moins 70 ans.
Dans la cohorte 41 à 50 ans, les femmes RH:-1 avaient des taux d’immunisation HLA légèrement plus faibles que les femmes RH:1, quelque soit le nombre d’accouchement. Enfin, dans la cohorte femmes n’ayant pas plus de 40 ans, les femmes RH:-1 sont moins probablement immunisées HLA que les femmes RH:1, quelque soit le nombre d’accouchement. En analyse de régression multivariable, ce dernier point demeure valable.
Dans la discussion, les auteurs signalent les limites de leur étude, en particulier, l’absence d’information sur l’administration des IgG anti-RH:1 lors de la grossesse sauf en ce qui concerne les femmes les plus jeunes (pas plus de 40 ans) et les plus âgées (plus de 71 ans) pour lesquelles les données sont raisonnablement exactes. Les immunoglobulines humaines anti-RH:1 administrées en prévention d’une maladie hémolytique du foetus et du nouveau-né anti-RH:-1 auraient un rôle immunomo-suppresseur non spécifique.
Le HTLV-I, virus notamment responsable de deux pathologies graves, la paraparésie spastique tropicale et la leucémie à cellule T de l’adulte, fait l’objet, avec le HTLV-II, d’un dépistage systématique chez les donneurs de sang (recherche d’anticorps spécifiques.) L’introduction de la déleucocytation systématique des produits sanguins labiles devait entraîner, sur le plan théorique, une diminution de la transmission par transfusion de ces virus à tropisme intracellulaire, particulièrement leucocytaire. Une étude britannique vient de montrer que la déleucocytation réduit effectivement la transmission de ces virus par transfusion [Hewitt et al. Human T lymphotropic virus lookback in NHS Blood and Transplant (England) reveals the efficacy of leukoreduction. Transfusion 2013;53:2168-2175].
La déleucocytation des produits sanguins a été introduite en Grand Bretagne en 1998 et le dépistage des anticorps anti-HTLV-I et -II mis en place sur le don du sang durant l’été 2002. Les auteurs ont réalisés un « lookback » pour le HTLV chez les receveurs de produits sanguins issus de dons prélevés chez des donneurs détectés positif pour les anticorps anti-HTLV-I ou -II. D’août 2002 à décembre 2011, 194 dons ont été trouvés positifs pour les anticorps anti-HTLV (175 HTLV-I, 18 HTLV-II et un type non confirmé) sur presque 24 millions de dons (soit 8 dons positifs par million de dons).
Sur l’ensemble, 64 dons ont été prélevés chez des donneurs réguliers qui avaient donné avant la pratique du dépistage. A ces 64 donneurs, 617 dons antérieurs ont pu être rattachés incluant 837 produits. Les rapports relatifs à 437 produits (335 concentrés érythrocytaires, 102 concentrés plaquettaires) étaient disponibles. La déleucocytation avait été pratiquée pour 284 produits (65%), une réduction leucocytaire (« buffy coat reduction ») (avant introduction de la leucofiltration) effectuée sur 60 produits (14%). Quatre vingt treize produits n’avaient pas été déleucocytés (21%.) Un total de 368 rapports a été renvoyé par les hôpitaux et sur 354 rapports, le receveur était identifié. Cependant, pour 202 produits, le receveur était décédé au moment de la finalisation du rapport. Les receveurs étaient vivants pour 149 produits. Dans 3 cas, le statut était inconnu.
Les échantillons pour contrôle des anticorps anti-HTLV-I et II ont été obtenu pour 114 receveurs (soit 77,0 % des receveurs présumés vivants). Tous les échantillons sauf 2 ont été testés par le NHSBT. Quatre vingt deux avaient reçu des produits déleucocytés, 15 des produits ayant subi une leucoréduction et 17 des produits non déleucocytés. Une infection par le HTLV a été confirmée chez 7 receveurs (6 HTLV-I et 1 HTLV-II). Le receveur infecté par le HTLV-II avait reçu une transfusion de concentré érythrocytaire déleucocyté prélevé chez un donneur infecté par le HTLV-I. Pour ce donneur, 10 produits s’incluaient dans le lookback. Cinq des receveurs étaient actuellement décédés, 2 n’avaient pas été notifiés. Les trois receveurs testés avaient un résultat négatif pour le HTLV-I. L’infection HTLV-II découverte n’était pas liée au donneur.
Le risque pour le receveur d’être testé HTLV positif après transfusion d’un produit sanguin déleucocyté est plus faible qu’après transfusion d’un produit non déleucocyté.
Pour les six receveurs HTLV-I positif, 2 avaient reçus des plaquettes poolées non déleucocytées, 3 des concentrés érythrocytaires non déleucocytés et un des concentrés érythrocytaires déleucocytés.
Après retrait du receveur HTLV-II positif, sur le 113 receveurs restants, 6 étaient infectés par l’HTLV-I. L’infection a été démontrée pour un des 96 receveurs de produits ayant subi soit une réduction leucocytaire, soit une déleucocytation et pour 5 des 17 receveurs de produits non déleucocytés.
Pour deux des receveurs infectés, il existait un facteur de risque autre que la transfusion, leur origine caraïbe. Dans un cas, le typage moléculaire des virus du donneur et du receveur d’un produit sanguin non déleucocyté âgé de 14 jours n’est pas en faveur d’une infection transfusionnelle. Dans le second, la patiente avait été transfusée avec un concentré érythrocytaire déleucocyté âgé de 14 jours. Aucun travail supplémentaire n’ayant été réalisé, aucune information complémentaire n’a pu être apportée pour préciser l’origine de la contamination. Cependant, pour les autres dons du donneur impliqué, seuls deux receveurs vivants ont pu être testés. Ils avaient tous les deux un résultat négatif. La transmission transfusionnelle paraît peu probable. Les auteurs soulignent qu’aucun cas documenté de transmission du HTLV par un produit sanguin cellulaire âgé de plus 14 jours n’a été publié.
Les auteurs estiment que, bien que les nombres soient faibles, la déleucocytation des produits sanguins a montré son efficacité pour prévenir la transmission du HTLV par transfusion de produits sanguins cellulaires. Le taux de contamination de receveurs de produits déleucocytés est de 3,7 % soit une réduction de 93,0 % par rapport aux produits non déleucocytés. Le seul receveur de produit sanguin déleucocyté infecté avait un risque d’infection HTLV. Ils notent enfin que pour le HTLV, le lookback est beaucoup moins efficace pour identifier les receveurs infectés que pour le virus de l’hépatite C.
Pierre MONCHARMONT